Tonight!

En 2002 à Albertville, nous avons créé « Panique dans les jardins », quatuor composé de deux couples, sur des extraits musicaux de West Side Story.

Une danse s’est développée, passant du smurf au contemporain tout en entrechoquant avec humour le break, la danse classique et nos sources chorégraphiques pluriculturelles.

Cette pièce a donné naissance à un contraste d’émotion et d’humour : ce métissage chorégraphique dégageait une force soutenue par des musiques entraînantes, suivis de moments plus doux et plus poétiques.

Progressivement, s’est inséré dans mon esprit le projet de développer et d’étendre cette pièce à l’ensemble de la Compagnie. La multiplicité des interprètes (quatorze) m’a donné la possibilité d’exploiter de manière efficace les mouvements de masse, les défis, les affrontements chorégraphiques, tout en gardant le charme de moments plus intimes et plus touchants. Ces derniers sont constamment soulignés par des solos et des duos permettant d’entrer dans l’intériorité des personnages.

En ce qui nous concerne, peu de psychologie. L’énergie poussée à son paroxysme par toutes sortes de contradictions est l’élément qui a retenu mon intérêt : hommes/femmes, amour/haine, violence/douceur, beauté/laideur, espoir/désespoir, énergie/inertie, etc…

Ces multiples oppositions sont traitées grâce par une partition chorégraphique fondée sur des contrastes de rythme (rapidité/lenteur), de lumières (jour/nuit), d’espace (jardin/cour, fond de scène/avant scène, sol/hauteur).

Il m’a paru intéressant de renforcer l’aspect dynamique et conflictuel par un travail chorégraphique entre le bas et le haut. J’ai donc demandé au scénographe et créateur lumière Dominique Drillot d’imaginer une structure en hauteur qui permette aux danseurs de se projeter dans les airs pour accentuer l’envol des scènes dites “enragées” et la chute des rêves inachevés.

Cette structure métallique – véritable accessoire urbain – sert de fond de scène ; de chaque côté, à cour et à jardin, de longs bancs, également métalliques, pour les moments d’attente et de répit, surplombés de grillages symbolisant l’enfermement.

Les costumes de Patrick Murru renforcent l’aspect “actuel” de la pièce par un traitement unicolore et mordoré ainsi que par l’utilisation de différentes matières et d’effets déstructurés. Le caractère féminin et masculin des personnages est soutenu et répond aux rapports de contraste et d’opposition, présents tout au long de cette pièce.

De larges extraits musicaux sont empruntés à l’œuvre de Léonard Bernstein et la musique originale est composée par Marc Artières, Alain Bordes et Yves Miara, collaborateurs de la Compagnie depuis 10 ans. Ces compositions actuelles traitées avec synthétiseurs, samplers et autres instruments d’aujourd’hui, nous plongent dans une ambiance aérienne et contemporaine, en opposition avec les compositions dynamiques de Léonard Bernstein.

Le projet dans ses grandes lignes m’a paru d’une évidente cohérence dans les rapports de similitude entre les jeunes présents dans les comédies musicales américaines des années 60 et les jeunes danseurs de la Compagnie Grenade. La rage, l’énergie et l’humour restent les mêmes d’une époque à l’autre.

Relever ce défi est pour moi un projet très exaltant.